Les travaux qui transformeront le ruisseau Molson en égout...


C’est une grande saga ! Le politique n’a pas beaucoup changé, des annonces, encore des annonces, des travaux mal gérés, de la corruption, des hausses de coûts inattendus et un agenda qui s’étire sur des décennies ! Ah ah ! Tout commence en 1910 lorsque l’on creuse la cale sèche pour la future Vickers, on en profite pour canaliser sous terre l’embouchure du ruisseau Molson. Ça se termine par un ruisseau qui est devenu un égout sous l’asphalte... En 1957, les travaux de création de cet égout n’en sont qu’au tiers... L’annonce de ces travaux avait été faite en 1932 ! Ah ah ! 

 
VOICI LA CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS :

En juin 1911, on nous annonce que depuis avril 1910, deux cents hommes, avec l’aide de quatre puissantes dragues, s’activent à creuser une cale sèche de 50 pieds de profondeur. Ce sont des travaux financés par la maison Maxim-Vickers. Par ces travaux commence la canalisation de l’embouchure du ruisseau Molson. (Extrait du journal La Presse, 3 juin 1911, page 4)


Le ministre de la Marine et des Pêcheries du Canada, John Douglas Hazen, prend connaissance des travaux en novembre 1911. Il se dit « ben ben content » de tout ça... Il a même ajouté « continuez, ça va ben ! » :) (Extrait du journal Le Devoir, 10 novembre 1911, page 5)


Les travaux sont toujours en cours en 1915. Des excavateurs travaillant aux tranchées destinés à recevoir les canaux d’égouts, rue Notre-Dame Est, ont découvert un cercueil à seize pieds de profondeur ! Après une enquête de trois semaines, on en vient à la conclusion que c’était un matelot anglais décédé des suites d’une « fièvre noire » en 1794. Il avait été inhumé tout près du ruisseau Molson. Plus de détails dans ce billet où j’analyse tout le texte : Squelette mystérieux, près du ruisseau Molson (Extrait du journal Le Nationaliste, 28 novembre 1915, page 8)


Dans Le Devoir du 3 octobre 1932, on nous renseigne sur les plans futurs des égouts montréalais. L’égout du ruisseau Molson a été mentionné dans le programme municipal, mais aucun emprunt n’a encore été voté. « Cet égout desservira une partie de Saint-Léonard de Port-Maurice, une partie de Saint-Michel, une partie des quar­tiers Rosemont et Mercier; il des­cendra par la rue Dickson et se jet­tera dans le fleuve à la rue Tou­louse. Il atteindra 15 pieds de dia­mètre ; c’est le plus gros égout pro­jeté actuellement. » (Extrait du journal Le Devoir, 3 octobre 1932, page 1)


Un mois plus tard, en novembre 1932, la Commission des égouts se décide à demander des soumissions pour l’égout du ruisseau Molson. L’estimation des coûts pour se projet titanesque annoncé dans Le Devoir le 3 octobre 1932 sont de l’ordre de 800 000 $ ! (Extrait du journal Le Devoir, 11 novembre 1932, page 2)


Sept mois plus tard (juin 1933), le projet est toujours sur le hold...  M. l’échevin Dupéré annonce encore le début des travaux de l’égout Molson. Si je comprends bien le texte, les travailleurs recrutés pour cette oeuvre seront d’anciens chômeurs ? (Extrait du journal Le Devoir, 20 juin 1933, page 3)


En 1937, rien n’est fait et c’est l’urgence d’agir ! On se donne jusqu’à la fin de 1939 pour construire un bout de l’égout Molson (de la rue Toulouse jusqu’au fleuve). On estime les couts de ces travaux à 475 000 $ ! Quand même ! (Extrait du journal La Presse, 16 décembre 1937, page 8)


Très peu des travaux annoncés en octobre 1932 semblent avoir été effectués pour le grand projet de l’égout du ruisseau Molson. Nous sommes en 1951 et on commence à avoir de graves problèmes de logistique avec les eaux usées et de ruissellements. Il semble que les égouts de la Ville de Montréal se jettent dans ceux de Ville Saint-Michel, et qu’ensuite le tout s’écoule à ciel ouvert par le ruisseau Molson (canalisé que près du fleuve). C’est que les égouts de Ville Saint-Michel ne fournissent plus à la demande, trop c’est trop. On se pose beaucoup de questions pendant que le ruisseau Molson est réellement devenu un égout à ciel ouvert... Yark ! (Extrait du journal Le Devoir, 28 juin 1951, page 8)


En janvier 1953, on creuse illégalement un canal d’égout, à ciel ouvert, près du Sanatorium de Rosemont (aujourd’hui le Pavillon Rosemont de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont). Il est possible que ce soit la Coulée Dickson qui fut creusée (affluent du ruisseau Molson). (Extrait du journal Le Devoir, 17 janvier 1953, page 3)


Là ça va faire ! En mars 1953, le conseiller J.-M. Savignac pète les plombs ! Il dénonce l’intervention de Ville Saint-Michel et blâme l’ingénieur de la Commission métropolitaine. Il a bien raison, c’est que Ville Saint-Michel se sert encore du ruisseau Molson comme égout à ciel ouvert. Apparemment, aucun travail n’a encore été fait pour créer la canalisation de l’égout du ruisseau Molson ! Pendant ce temps, des entrepreneurs véreux et un maire sans scrupule créent bon an mal an un égout à ciel ouvert... Corruption et compagnie... (Extrait du journal Le Devoir, 13 mars 1953, page 7)


Enfin ! Le 30 avril 1957, on annonce que «le collecteur du Ruisseau Molson qui sillonne le parcours de la rue Bélanger depuis la 1ère avenue et jusqu'à la rue Dickson et descend ensuite vers le fleuve ; on a à date complété le tiers de ces travaux.» C’est une bonne nouvelle pour les citadins et la santé publique, mais une triste nouvelle pour le ruisseau Molson. Bientôt on ne le verra plus qu’à des endroits épars au travers les parcs qui suivent la marche géologique qu’a forgée ce ruisseau. Le ruisseau Molson a servi d’égout à ciel ouvert pendant au moins 20 ans... Étonnant ! Finalement, d’après les rues utilisées pour y creuser cet égout, on semble avoir employé les sources du ruisseau Pont-à-l’Avoine (affluent du ruisseau Molson) pour propulser les fanges du nord-ouest vers le sud-est. (Extrait du journal Le Devoir, 30 avril 1957, page 12)


Je vous l’avais dit que c’était une saga ! On saute en mai 2004, un article de Sébastien Roberge résume bien la situation. « La facture de l’égout collecteur Molson est l’objet d’un litige depuis 30 ans. Cet égout a été construit entre 1937 et 1959 aux frais de Montréal pour desservir son territoire et celui des anciennes villes de Saint-Léonard et d’Anjou. En 1960, Québec a établi un partage provisoire des coûts, lequel a été ordonné de façon définitive en 1997. Le gouvernement avait alors fixé le montant de la facture à près de 6 millions de dollars, soit 4 millions pour Saint-Léonard et 1,5 million pour Anjou. » On ne parle pas ici de Ville Saint-Michel qui fut annexé à la Ville de Montréal en 1968. (Extrait du journal La Presse, 14 mai 2004, Cahier A page 7)


Finalement, un jugement qui ne sert plus à grand-chose arrive en 2005. J’imagine que c’est la fin de la saga de l’égout du ruisseau Molson. C’est par contre le début d’une nouvelle saga : celle du désir par les citoyens de voir renaitre le ruisseau Molson ! Oui, oui ! Regardez ici ce vidéo inspirant : Un ruisseau coule sous les rues Dickson et Lacordaire ! (Extrait du Bulletin - Droit municipal, décembre 2005, Volume 25, numéro 3, page 18)



Peut-être n’êtes-vous pas familier avec le ruisseau Molson ?
Le voici, dans sa splendeur des années 40, redessiner sur un fond de carte Google récente. Beaucoup d’informations historique, biologique et floristique en prime !


Commentaires

  1. En mettant en lumière toute cette histoire d'égoût raté nous prouve que ça n'a guère évolué c'est toujours la bonne vieille méthode de filtration et épuration d'eau en rejetant la nature et tout ses bienfaits. Dénaturer la nature ça fait jamais des enfants forts.

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