Qu’est-ce qu’une analyse multicritère à partir d’images ?
Je vais tenter de vous expliquer, par un exemple, ce qu’est une analyse multicritère à partir d’images (raster dans notre jargon de géographe géomaticien). Il faut comprendre que ces images sont constituées d’une multitude de carrés, soit des pixels dans notre jargon. Chaque pixel contient une information. Pour l’exemple, imaginez que vous créez des cartes à la main, et qu’ensuite vous les numérisez ou les photographiez avec votre téléphone.
Voici donc un exemple très simple d’analyse multicritère. Gérald a une petite parcelle dans un jardin communautaire en ville. Rien de grand : il n’y a que quinze plants de tomates dans une petite parcelle carrée. La moitié de cette parcelle est à l’ombre une partie de la journée, à cause des bâtiments tout proches et des arbres. Gérald connaît bien la production de ses quinze plants de tomates. En fait, il en avait seize, mais un est mort. Voilà, c’est un exemple tout simple, dont les résultats vont de soi, vous allez voir, mais ça aidera à comprendre le concept d’analyse multicritère.
Premier critère : la présence ou non de plants de tomates
Premièrement, on cartographie le petit jardin de Gérald sur une feuille lignée presque transparente, dans une section de quatre carrés par quatre carrés (soit seize carrés au total, ou encore seize pixels). On y indique les endroits où il y a des plants de tomates. Dans la grille, s’il y a un plant de tomate, cela vaut 1 ; s’il n’y en a pas, cela vaut 0. C’est la base du fonctionnement : il faut que l’information à l’intérieur de chaque pixel soit normalisée entre un et zéro, sinon l’analyse ne fonctionnera pas. Donc toutes nos cartes auront, à l’intérieur de chaque pixel, des valeurs normalisées entre 0 et 1. Et oui, il peut y avoir des virgules : tout est possible entre 0 et 1, comme 0,25, 0,789067 ou encore 0,8373748484739273.
Deuxième critère : l’ensoleillement
Deuxièmement, on cartographie les zones d’ensoleillement de la parcelle de Gérald. La moitié de la parcelle est en plein soleil, donc à 100 % d’ensoleillement ; on va normaliser le 100 % à 1, c’est plus simple pour l’analyse. L’autre moitié de la parcelle est à la moitié d’ensoleillement, soit 50 %, à cause des bâtiments et des arbres tout proches. Oui, c’est très tranché, mais c’est voulu : ce n’est qu’un exemple simple pour bien comprendre le principe. Les endroits qui ont la moitié de l’ensoleillement possible auront donc la valeur 0,5 (normalisation oblige).
Troisième critère : la production
Troisièmement, on cartographie la production de chaque plant de tomate, car Gérald compte tout ! Il nous renseigne que son meilleur plant a produit 14 tomates ; ce sera notre valeur maximale, donc 1 pour l’analyse. Le plant le plus chétif, qui ne produit presque rien, n’a fait que 2 tomates. On lui calcule alors une valeur normalisée de 0,14. Pourquoi ?
Parce que pour normaliser une valeur entre 0 et 1, on applique la formule suivante :
valeur_normalisée = (valeur_observée − valeur_minimale) ÷ (valeur_maximale − valeur_minimale)
Exemple avec les tomates :
(2 − 0) ÷ (14 − 0) = 0,14
Attention : il y a une parcelle du petit jardin où il n’y a pas de plant de tomate, donc pas d’information dans ce carré (en langage informatique : No Data ou Null). On n’y met rien !
L’analyse multicritère
Voici la question qui va nous mener au résultat : les plants les plus productifs se trouvent-ils dans les zones les plus ensoleillées ? L’objectif est donc de vérifier s’il y a corrélation entre l’ensoleillement (critère 1) et la production (critère 2). Vous allez me dire qu’on n’avait pas besoin d’une carte pour savoir ça ! Je le sais ! Mais je voulais un exemple très, très simple.
Pour agréger les critères (agréger signifie combiner plusieurs couches d’information en une seule), on peut imaginer que l’on superpose des feuilles de papier calque quadrillées. On combine les cartes à l’aide d’équations. Dans la pratique, on utilise un logiciel comme QGIS, qui est gratuit et que je vous recommande.
Dans cet exemple, je n’utilise pas le premier critère (la présence des plants de tomates) dans le calcul, car il ne sert qu’à illustrer le principe de base du raster, c’est-à-dire qu’un pixel peut soit contenir une donnée (de 0 à 1) soit ne pas en contenir (No Data). Ce critère me permettait surtout de montrer qu’une carte raster n’est jamais totalement remplie : certaines zones peuvent être vides, sans information, ce qu’on appelle des valeurs No Data. C’est fréquent dans les analyses de terrain, où il manque parfois des données pour certaines cellules de la grille.
Le calcul d’agrégation des critères est le suivant :
"production" × (1/2) + "ensoleillement" × (1/2)
Ici, c’est un scénario égal : chaque critère a le même poids, soit 1/2. Cela nous donne une nouvelle carte avec des valeurs entre 0 et 1. Une valeur de 1 représente la zone du jardin la plus ensoleillée et la plus productive, tandis qu’une valeur de 0,32 indique la zone la moins ensoleillée et la moins productive.
Ça semble facile, mais imaginez avec huit critères : c’est là que ça devient vraiment utile, surtout sur de grandes surfaces ! Par exemple, pour une terre agricole, on pourrait avoir comme critères : production, ensoleillement, pente, engrais, apport en eau, etc. Il est même possible de créer plusieurs scénarios en changeant le poids de chaque critère. Par exemple, dans le calcul précédent, la production pourrait être pondérée à 3/4 au lieu de 1/2, et l’ensoleillement à 1/4. Cela donnerait une carte qui accorde plus d’importance à la production qu’à la lumière.
Précisions techniques
Mais attention, ce n’est qu’un exemple conceptuel. Dans mon histoire, les cartes ont été dessinées à la main et numérisées avec un téléphone. Dans la vraie vie, pour que l’analyse d’agrégation fonctionne, les images doivent être exactes, c’est-à-dire que les pixels doivent être parfaitement alignés. On crée donc les images directement dans un logiciel comme QGIS, à partir de données vectorielles (autrement dit, des données constituées de points, de lignes et de polygones, et non de pixels, mais qui contiennent aussi de l’information, par exemple un nom, une superficie, une statistique, etc.).
Pour que ça fonctionne, toutes les images doivent avoir la même projection (c’est-à-dire un système de coordonnées géographiques qui permet de représenter la surface courbe de la Terre sur une carte plane), la même grille de pixels et la même emprise spatiale, c’est-à-dire les mêmes coordonnées géospatiales.
Voilà, est-ce que c’est plus clair pour vous ?




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