Le potentiel mondial de restauration du couvert forestier


Bonjour !

Résumé d’article aujourd’hui : The Global Tree Restoration Potential, que l’on pourrait traduire par Le potentiel mondial de restauration du couvert forestier.

Un article écrit par une équipe de biologistes et d’agronomes provenant des sciences environnementales et de la politique forestière. Les noms des chercheurs sont dans les références. L’article a été publié en 2019, il y a environ six ans, et a fait l’objet d’un Erratum en 2020.

Tout de suite, on garde en tête que l’article traite de ce que l’humain peut améliorer sur la terre ferme, sur le plancher des vaches. Dans l’article, on vante (avec un peu d’excès, c’est correct) la captation de carbone par les arbres, les arbustes, la végétation. Dans la version originale, les auteurs affirmaient que la restauration du couvert forestier constituait LA solution LA plus efficace au changement climatique à ce jour, sans situer leur recherche par rapport aux autres options, comme la réduction directe des émissions de gaz à effet de serre.

L’Erratum est venu corriger cette formulation : les auteurs voulaient dire qu’à leur connaissance, aucune autre solution naturelle de captation du carbone ne présente un potentiel aussi grand en volume de carbone séquestré… sur la terre ferme (et c’est moi qui l’ajoute).

Car, ce sont les océans qui captent le plus de carbone. Et là, j’ouvre une parenthèse.
Le graphique intitulé Ampleur relative des réservoirs de carbone mondiaux de l’Institut climatique du Canada le montre bien : les océans sont de loin devant ! Malgré que ça semble très impressionnant, l’Institut climatique du Canada précise que le carbone bleu — celui capté par les océans — ne contribuera pas de manière significative à l’atténuation des changements climatiques à l’échelle mondiale.

Bref, il n’y a pas de solution miracle, et c’était une parenthèse que je voulais faire. Merci.

Je vais écrire souvent le mot hectare. Un hectare, en fait, c’est plus grand qu’un terrain de foot européen (soccer) : 100 mètres par 100 mètres.

Les chercheurs ont commencé par cartographier le couvert forestier mondial — tout un travail ! Ils ont estimé à 2,8 milliards d’hectares la surface de canopée mondiale en 2019. Puis, sans tenir compte de l’agriculture ni de l’urbanisation, ils ont calculé le potentiel maximal de canopée possible sur la planète : 4,4 milliards d’hectares, soit 1,6 milliard de plus que ce qui existait à l’époque.

Mais en considérant les activités humaines — dont l’agriculture, parce qu’il faut bien manger — il ne reste en fait que 0,9 milliard d’hectares réellement disponibles pour la restauration. D’après les chercheurs, ces nouvelles forêts pourraient stocker jusqu’à 205 gigatonnes de carbone.

Sauf que les changements climatiques étant déjà en cours, il faudra retrancher environ 223 millions d’hectares d’ici 2050. On tombe donc à environ 0,67 milliard d’hectare. Moi, personnellement, je trouve les chercheurs plutôt optimistes sur cette estimation.

Ils rappellent d’ailleurs que le GIEC (2018) estimait qu’il faudrait environ 1 milliard d’hectares de forêts supplémentaires pour limiter le réchauffement global à +1,5 °C d’ici 2050. Donc, leur estimation de 0,9 milliard : c’est proche ! Mais selon les données récentes, le seuil de +1,5 °C sera atteint d’ici 2030


Méthodes

Comment les chercheurs ont-ils calculé le couvert forestier mondial et estimé où de nouvelles forêts pourraient s’implanter ? En accumulant assez d’observations un peu partout sur la planète — des zones les plus arides aux forêts les plus denses — ils ont pu extrapoler ce qu’ils appellent le couvert forestier naturel, c’est-à-dire à quoi ressemblerait la couverture arborée en l’absence d’activités humaines.

Ils ont utilisé 78 774 mesures directes, à partir de photo-interprétation, dans des zones protégées du monde entier. À partir de ces données, ils ont entraîné un algorithme d’apprentissage automatique (qu’ils ont appelé Random Forest) pour identifier les principaux facteurs environnementaux déterminant la couverture arborée et générer un modèle prédictif du couvert forestier potentiel. S’ensuit une série de calculs passionnants. Hahaha !

La carte obtenue révèle la capacité portante en arbres de la Terre, à une résolution spatiale d’environ 1 km par pixel. Au total — et je me répète — 4,4 milliards d’hectares de canopée potentielle, soit 1,6 milliard de plus que les 2,8 milliards existants.


Ensuite, les chercheurs ont dû être réalistes et estimer les zones réellement disponibles pour la restauration. Ils ont utilisé deux modèles mondiaux d’occupation du sol pour exclure les terres agricoles et urbaines :

  • Le modèle GlobCover 2009 de l’Agence spatiale européenne.

  • La base de données Fritz et al. (2015), aussi appelée Geo-Wiki Cropland Layer.

Résultat : on arrive encore à presque 1 milliard d’hectares de restauration possible.

Et c’est là que ça devient intéressant : plus de 50 % de ce potentiel mondial se concentre dans six pays : la Russie, les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Brésil et la Chine.

Ces chiffres soulignent la responsabilité particulière des grandes économies dans la restauration du couvert forestier. Ces nations ont les moyens d’agir, mais investissent souvent ailleurs : armement, conquête spatiale, finance des compagnies privées déjà ultra riches… ou encore, comme on l’a vu sous Trump, dans la négation pure et simple du problème climatique. Ça va pas ben !

En comparant leurs résultats aux engagements nationaux de 2019, les auteurs constatent que 10 % des pays ont promis de restaurer plus qu’ils ne peuvent réellement faire sur leur territoire, et que 43 % visent moins de la moitié de leur potentiel. D’où leur appel à un meilleur suivi du couvert forestier à l’échelle nationale.

Les chercheurs concluent que l’objectif du GIEC — restaurer 1 milliard d’hectares sous le climat actuel — est tout à fait réalisable, et que ces nouvelles zones pourraient stocker, je me répète, 205 gigatonnes de carbone supplémentaires.


Ce type de prédiction comporte évidemment une grande incertitude, car il extrapole des modèles au-delà des conditions climatiques actuelles. Ces extrapolations ne constituent donc pas des prévisions exactes, puisqu’elles n’intègrent pas les rétroactions écologiques, hydrologiques et biogéochimiques liées à l’évolution du couvert.

L’équipe conclut tout de même que la restauration du couvert forestier à l’échelle planétaire demeure :

« la solution naturelle la plus efficace à notre disposition pour réduire les concentrations de carbone atmosphérique et atténuer le changement climatique. »

Voilà ! Merci 🌿


Références

Bastin, J.-F., Finegold, Y., Garcia, C., Mollicone, D., Rezende, M., Routh, D., Zohner, C. M., et Crowther, T. W. (2019). The global tree restoration potential. Science, 365(6448), 76-79. https://doi.org/10.1126/science.aax0848

Bastin, J.-F., Finegold, Y., Garcia, C., Mollicone, D., Rezende, M., Routh, D., Zohner, C. M., et Crowther, T. W. (2019). Supplementary material for “The global tree restoration potential”. Science, 365(6448), suppl. DC1. https://science.sciencemag.org/content/365/6448/76/suppl/DC1

Bastin, J.-F., Finegold, Y., Garcia, C., Mollicone, D., Rezende, M., Routh, D., Zohner, C. M., et Crowther, T. W. (2020). Erratum for the Report “The global tree restoration potential” and for the Technical Response “Response to Comments on ‘The global tree restoration potential’”. Science, 368(6493), eaay7976. https://doi.org/10.1126/science.aay7976

European Space Agency. (2010). GlobCover 2009: ESA land cover map. ESA Climate Change Initiative. https://due.esrin.esa.int/page_globcover.php

Fritz, S., See, L., McCallum, I., You, L., Balkovič, J., Duerauer, M., Erb, K., et al. (2015). Mapping global cropland and field size. Global Change Biology, 21(5), 1980-1992. https://doi.org/10.1111/gcb.12838

Institut climatique du Canada. (2021, mai 20). L’océan : la solution invisible aux changements climatiques. https://institutclimatique.ca/locean-la-solution-invisible-aux-changements-climatiques/

Yousif, M. (2023, avril 15). Mastering Random Forests: A beginner’s guide to smarter machine learning. Consuledge Blog. https://consuledge.com.au/blog/mastering-random-forests-a-beginners-guide-to-smarter-machine-learning/

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