Végétation riveraine : dégradation, invasions d’espèces exotiques envahissantes (EEE) et perspectives de restauration
Résumé d’un article scientifique (traduction libre)
Titre original : Riparian vegetation: degradation, alien plant invasions, and restoration prospects
Auteurs : David M. Richardson, Patricia M. Holmes, Karen J. Esler, Susan M. Galatowitsch, Juliet C. Stromberg, Steven P. Kirkman, Petr Pysek et Richard J. Hobbs
Source : Disponible sur ResearchGate
Je dois dire que ce texte m’a fait réfléchir. Vous comprendrez un peu plus loin pourquoi… disons que j’étais du camp des nostalgiques.
Je vais aussi faire quelques parallèles rapides avec notre environnement local — l’île de Montréal et l’archipel d’Hochelaga — souvent basés sur mes propres observations et recherches de terrain.
L’article aborde la végétation riveraine à grande échelle : rivières, bassins versants, zones humides. Ce qui est décrit pourrait très bien s’appliquer ici ou ailleurs.
« Les zones riveraines représentent l’interface entre les écosystèmes aquatiques et terrestres. Elles sont influencées par des processus fluviaux tels que les inondations et le dépôt de sols alluviaux, et soutiennent généralement une flore distincte. »
Cette végétation spécialisée joue un rôle crucial dans :
- la régulation hydrologique (évapotranspiration, recharge de la nappe),
- la stabilisation des berges,
- la filtration des nutriments et des sédiments,
- le maintien de la biodiversité.
Elle constitue aussi un habitat et un corridor pour la faune… et pour nous.
Évapotranspiration : Ensemble des phénomènes d’évaporation de l’eau par les végétaux (transpiration), du sol et des nappes liquides. (Définition : Antidote)
Perturbations et pressions humaines
Les zones riveraines sont soumises à des perturbations fréquentes : crues, érosion, dépôts de sédiments. Même sans présence humaine, ces phénomènes sont naturels, mais ils sont aujourd’hui amplifiés par nos activités :
- Construction de barrages et régulation des débits
- Empiétement et remblaiement des berges (immobilier)
- Agriculture en bordure de rive (eutrophisation, sédiments)
- Coupe excessive d’arbres
- Introduction de nouvelles plantes (souvent par l’humain)
Eutrophisation : Accumulation de débris organiques dans des eaux stagnantes, causant une pollution par désoxygénation. (Antidote)
Ces perturbations, plus fréquentes et plus intenses qu’autrefois, peuvent :
- Endommager la canopée riveraine (crues, glace, inondations)
- Créer des dépôts massifs où la flore indigène ne peut se rétablir
C’est là que les espèces exotiques envahissantes (EEE) entrent en jeu. Les rivières traversent souvent des zones habitées, riches en espèces introduites. D’où la question : votre jardin menace-t-il la biodiversité ?
Ces espèces portent bien leur nom :
- Production abondante de graines et de fruits
- Transport facilité par l’eau
- Pousse rapide
- Grande résilience
- Adaptabilité à divers milieux
Ces événements influencent le régime hydrologique (variation du débit) et la forme du chenal, ce qui peut affecter la capacité des graines à atteindre des sites propices à leur établissement — souvent au bénéfice des espèces les moins exigeantes.
Parallèle avec Montréal
Portrait rapide :
- Remblai massif : on s’est littéralement construit sur les berges du fleuve
- Égouts combinés longtemps déversés directement dans le fleuve (encore aujourd’hui)
- Surpêche dans les années 1970-1980 (ex. : perchaude), selon mes recherches et une entrevue avec Charles Giguère, pêcheur chevronné
Exemple local : Parc Promenade-Bellerive
- Empiétement artificiel, remblai dans le fleuve
- Rivage argileux et sablonneux à l'origine, mais maintenant présence de sols secs
- Les sols s’assèchent à Montréal
Flore observée :
- Peuplier deltoïde, érable argenté (ruisseaux), saule sp. (dont Salix × fragilis, espèce introduite mais non considérée envahissante)
- Strate herbacée : phragmite (roseau commun d’Eurasie, Phragmites australis ssp. australis) et renouée du Japon (Reynoutria japonica)
L’article souligne que la majorité des publications sur la gestion ou la restauration des zones riveraines sont des études locales. Il n’existe pas encore de cadres généraux pour aborder ces enjeux à grande échelle — ce que les auteurs tentent justement de proposer.
🌿 Le rôle des plantes dans les écosystèmes riverains
Les plantes riveraines influencent profondément :
- le débit des rivières,
- le niveau de la nappe phréatique,
- le climat local.
Certaines espèces exotiques envahissantes (EEE) ont été introduites pour des raisons pratiques :
- Renouée du Japon : utilisée dans les années 1970 pour stabiliser les berges grâce à ses racines solides.
- Phragmite d’Eurasie : introduit vers 1910 au Québec, utilisé en phytoépuration et phytoremédiation, notamment en France. Attention : une sous-espèce indigène existe et n’est pas envahissante.
L’article propose une approche nuancée : la gestion des EEE doit se faire au cas par cas, selon les contextes écologiques.
🛠️ Quelques solutions pour contrôler les EEE
- Libérer de l’eau pour restaurer les dépôts naturels de sédiments (ex. : Fjord-du-Saguenay).
- Créer des foyers d’espèces indigènes pour favoriser leur propagation.
- Nettoyer les zones envahies.
- Créer des corridors écologiques et des zones tampons.
- Assurer un suivi rigoureux et miser sur l’éducation.
🌱 Diversité végétale et résilience
Une espèce dominante (native ou exotique) peut réduire la diversité végétale dans les zones humides.
Dans les milieux très perturbés comme Montréal, les EEE peuvent représenter une forme de résilience, en s’adaptant aux nouvelles conditions et en permettant à d’autres espèces de s’installer.
🔧 Enjeux critiques pour la restauration
Restaurer une zone riveraine vise à réparer les dommages causés par l’humain. Mais cela est souvent difficile voire impossible, en raison :
- des conflits d’usage (agriculture, urbanisation),
- des coûts élevés,
- du manque de connaissance sur l’état d’origine des milieux.
Approches réalistes :
- Travailler à petite échelle.
- Intervenir là où la conservation est encore possible.
🔄 Une approche alternative
Plutôt que de recréer un état historique, il vaut mieux :
- considérer les écosystèmes comme dynamiques et vivants,
- remettre en marche les processus naturels (cycle de l’eau, régénération végétale),
- intégrer les humains comme partie du système.
⏳ Un engagement à long terme
Retirer les EEE demande du temps, du suivi et du soutien social/politique.
Dans certains cas, les retirer complètement peut nuire davantage (piétinement, machinerie).
Il vaut mieux parfois les gérer sur place, ou les éliminer sans tout arracher.
Quand les EEE perturbent clairement le fonctionnement écologique, il faut :
- les retirer,
- prévenir ou limiter leur expansion,
- réintroduire des espèces indigènes ou naturalisées.
🧭 Conclusion
Dans les milieux urbains très modifiés, enlever les plantes exotiques peut être inutile, voire nuisible.
Recréer une condition historique devient un exercice nostalgique.
Il est plus pertinent de se concentrer sur :
- la santé des rivières,
- les services écologiques qu’elles peuvent offrir (filtration de l’eau, biodiversité),
- en travaillant avec les nouveaux écosystèmes adaptés aux conditions actuelles.
Les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont souvent mal perçues, mais elles pourraient représenter de nouveaux défis et offrir des opportunités biologiques intéressantes. Il reste encore beaucoup à explorer concernant leurs bénéfices potentiels et leurs interactions positives dans certains contextes. À ma connaissance, il n’existe pas vraiment d’études approfondies sur ce sujet… Serait-ce un nouveau domaine de recherche à développer ?
Perso, jamais j’aurais cru écrire ça un jour !
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