Éditorial sur la disparition du ruisseau Molson en 1951

Déjà en 1951, on s’inquiétait de la disparition des ruisseaux. Un éditorial mélancolique, où on ne nomme malheureusement pas la source, un certain géographe. On nous parle des problèmes d’égouts, particulièrement de Ville Saint-Michel qui désire déverser ses « fanges » directement dans le ruisseau Molson (qui est encore en bonne partie à ciel ouvert). C’est toute une saga, j’ai trouvé plusieurs articles des années 30 à 50 sur le sujet. L’égout Molson a été très problématique à réaliser. On y trouve aussi une preuve que la source du ruisseau Molson se situait à la rue du Champ-d’Eau actuel : « qui remonte jusqu’au coude où le chemin de Saint-Léonard devient la côte Saint-Michel ». Enfin, bizarrement, d’après ce journaliste, le nom Molson n’a pas de lien avec la famille de brasseurs. Eh ben...

L’ACTUALITÉ - RUISSEAUX

[Extrait du journal Le Devoir, Montréal, 19 Juillet 1951]

Si imprévu que cela paraisse, il existe plusieurs ruisseaux dans la grande ville. Vestige d’une époque agreste. On les croirait tous disparus et enfouis sous l'asphalte. Il n’en est pas tout à fait ainsi. Il en subsiste quelques-uns ici et là, à travers ce qui reste de prairies et de terrains vagues. Ce n’est pas leur faute s’ils ont perdu beaucoup de leur fraicheur ancienne. Avec un peu d’imagination, les poètes peuvent peut-être tout de même aller rêver sur leurs bords et les pêcheurs pauvres se donner auprès d’eux l’illusion d’une excursion lointaine.

L'un de ces cours d'eau fait plus particulièrement parler de lui, de ce temps-ci. Il s'agit du ruisseau Molson, un « creek » bien familier aux gens de l’est, par son nom du moins. Sans aucune parenté avec des brasseurs du même patronyme: iceux alimentent plutôt un fleuve en son genre qu’une rigole...

Si l’on donnait suite au projet de Ville Saint-Michel, cette municipalité agrandirait son usine de pompage des égouts et vidangerait ses fanges dans le lit du ruisseau Molson. Messire Camillien s’élève contre la mesure, au nom de la salubrité et du danger de contagion. L’affaire est présentement soumise à la décision de la Commission métropolitaine.

On tient compte du ruisseau Molson dans la topographie montréalaise, puisque les géographes ont pris la peine de s’y arrêter. L’un d’entre eux, en tout cas, dont nous avons le texte sous les yeux, le décrit d’une manière savante. L’auteur, à propos des « accidents en creux » caractérisant notre île, situe de cette façon ledit ruisseau Molson :

« À travers l’uniformité d’ensem-ble, on voit d’abord s'enfoncer dis-crètement le creusement des ruis-seaux ; plusieurs ont déjà esquissé des formes de vallées. Le ruisseau Molson, qui déroule ses méandres jusqu'au fleuve sur le terrain de la Vickers, s’inscrit dans le relief en y faisant une profonde échancrure dans les courbes de niveau, de 50, 75 et 100 pieds et en façonnant une petite vallée, maintenant en partie desséchée, de six à sept cents verges de largeur, qui remonte jusqu’au coude où le chemin de Saint-Léonard devient la côte Saint-Michel. »

En conséquence, il y a la vallée [bassin versant] Molson en plus du ruisseau. Mais ce n’est pas tout, en fait de ruis-seaux montréalais. Notre géogra-phe se penche notamment sur les « ruisseaux à ramifications multi-ples qui, au nord-ouest des côtes Saint-Michel et Saint-Léonard se déversent dans la rivière des Prai-ries, et qui ont affouillé le sol dans les parties inférieures jusqu’à par-fois plus d’une cinquantaine de pieds de profondeur ».

L’auteur jette un regard mélan-colique sur la multiplicité des autres ruisseaux anonymes ou disparus.

Quant au ruisseau Molson, il n’a  pas à se plaindre de l’anonymat. Les cartes montréalaises les plus sommaires indiquent sa présence, en attendant sans doute qu'il partage le sort de ses anciens confrères, devenus canaux d’égouts, ou convertis à d’autres usages urbains.




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