Beaugrand-Champagne parlait-il au travers son chapeau ?


Aristide Beaugrand-Champagne était un architecte montréalais renommé, qui a entre autres réalisé le chalet de la montagne (Mont-Royal), et l’église St Michael and St Anthony. Il a occupé de multiples postes prestigieux. En ce qui nous concerne, il a été le vice-président de la Société historique de Montréal pendant 20 ans. Il a d’ailleurs dessiné, avec l’aide de M. E.-Z. Massicotte, la fameuse Carte topographique de l'île de Montréal de 1542 à 1642 pour le 300e anniversaire de Montréal. Cette carte est connue pour être quelque peu illogique côté hydrographie. Un tantinet naïve, elle semble n’être qu’un résumé approximatif. M. Beaugrand-Champagne a donné au moins une conférence au sujet des ruisseaux de Montréal, en préparation à son mémoire définitif pour le 300e de Montréal. Un résumé très étoffé de cette conférence fut écrit par un journaliste du Devoir. Tout ceci est merveilleux pour l’historien amateur que je suis, mais il semble qu’il y a énormément d’erreurs dans les descriptions des ruisseaux. Je ne sais toujours pas si on doit ces erreurs par une mauvaise compréhension du journaliste, ou parce que les ruisseaux de l’est de Montréal étaient moins connus par M. Beaugrand-Champagne. Il n’est d’ailleurs pas le seul : une confusion règne autour des emplacements des ruisseaux Molson et Migeon dans plusieurs articles de cette époque.

Je vous ai retranscrit un extrait de cet article de fond, avec mes commentaires entre crochets [...]. Pour finir, j’aimerais vous énumérer les anciens noms du ruisseau Molson trouvé jusqu’à maintenant : Migeon (à tort), Grece ou Greece ou Grace, de la Grise ou Grive (francisation de Grece),  des Soeurs, des Anges, Trutteau et de la Grande Prairie (ce dernier semble être le nom le plus ancien). Bonne lecture !





Les ruisseaux de l'île de Montréal

[Extrait du journal Le Devoir, 4 janvier 1937, page 7]

Du côté de l’est, les ruisseaux et les rus ne descendent plus de la montagne. Ils prennent leur source dans des marais et des savanes qui se trouvent sur la crête de l’île, aussi sont-ils moins impétueux dans leur course vers le fleuve, ou vers la rivière des Prairies.

Le ru des Roches
Le principal est le ru des Roches avec ses trois bouches et son par­cours d’environ dix milles. La bou­che qui vient tomber vis-à-vis l’île Bonfoin nous rappelle le massacre du Bout-de-l’Ile où quarante colons perdirent la vie aux mains des Iro­quois.

Le ruisseau Migeon
En deuxième lieu vient le ruis­seau Migeon [le bassin versant du ruisseau Migeon était de loin beaucoup plus petit que celui du Molson, donc il ne peut être classé «en deuxième»] improprement appelé ruisseau Molson [sic], auquel il faut s’ef­forcer partout et toujours de gar­der son nom français qui lui vient de ce qu’il coulait tout le long de la concession de Migeon de Branssat. Il prenait sa source dans la sa­vane de St-Michel [Beaugrand-Champagne ne décrit ici ni la source du ruisseau Migeon, ni la source du ruisseau Molson. Le ruisseau Molson prenait sa source à St-Léonard-de-Port-Maurice. Peut-être décrit-il un des affluents du ruisseau Molson ?] comme le pré­cèdent [le ruisseau des Roches prenait définitivement source à St-Léonard-de-Port-Maurice].

Le ruisseau du Pont-à-l'Avoine [affluent du ruisseau Molson]
En cours de route, ce ru [Beaugrand-Champagne fait référence au ruisseau Migeon ci-haut] recevait un ruisseau [c’est le ruisseau Molson qui avait comme affluent le ruisseau du Pont-à-l'Avoine, et non le Migeon] qui venait, du moins qui me semble venir [supposition] avec d’autres d’un étang aujourd’hui desséché situé en contrebas de la ferme St-Michel [possible, mais ça reste à prouver, car ce n’est qu’une supposition]. Ce ruisseau porte le plus joli nom qui puisse se trouver : le ruisseau du Pont-à-l’Avoine ou le ruisseau des Avoines, comme disent quelques-uns. Ce nom que dois à M. Janvier Joubert de connaître, lui vient de ce qu’il allait du coté des grandes prairies où l’on devait probablement cultiver l’avoine. Le Pont-à-l’Avoine se trouve en travers de la montée St-Michel [exact].

Le ruisseau des Soeurs ou des Anges [noms anciens du ruisseau Molson]
Il y avait autrefois un ruisseau qui venait des hauteurs de l’ancienne ville de Maisonneuve et coulait au nord de la rue Ontario [Beaugrand-Champagne décrit le cours du ruisseau Migeon et non du Molson] pour venir déboucher dans le fleuve à Viauville, précisément aux chantiers des Vickers [Beaugrand-Champagne décrit correctement l’endroit où se jette le ruisseau Molson dans le fleuve, donc il mélange le lit du ruisseau Migeon avec l’embouchure du Molson]. On l’a souvent confondu avec le ru Migeon [Ah! Tu m’étonnes!]. Je dois à mon ami Massicotte de pouvoir expliquer qu’il n’avait rien de commun. Massicotte m’a signalé le journal de Malartic daté de 1760, où il est clairement indiqué qu’en ce temps-là ce ruisseau s’appelait le ruisseau des Soeurs [exact], que d’autres appellent aussi le ruisseau des Anges : pourquoi ? Je ne l’ai pas encore trouvé [moi non plus, une seule source indirecte mentionne le nom des Anges*]

* « La concession voisine, No 995, fut faite aux Sœurs de la Congrégation. Là aussi, coule un ruisseau; et ce ruisseau s'appela ruisseau des Sœurs. Malartic ne dit-il pas, en effet, que le 5 septembre 1760, le régiment de Roussillon garda le terrain entre le ruisseau Migeon et le ruisseau des Soeurs ? Sur une carte, publiée en 1763 et intitulée A Particular Survey of the Isles of Montreal, les deux ruisseaux apparaissent, mais le second avec le nom de ruisseau de la Grande Prairie. Il fut aussi appelé, paraît-il, ruisseau des Anges, et au cours du XIXe siècle, ruisseau Molson, à cause d'une propriété voisine où il déroulait ses méandres. Donc, qu'il y ait eu un petit cours d'eau, aux limites de la Longue-Pointe, cela est incontestable ; mais beaucoup se sont trompés sur son nom. »
MAURAULT, Olivier. Saint-François-d'Assise de la Longue Pointe, abrégé historique. Montréal, s.é., 1924, p. 59



Extrait de la carte Les ruisseaux et fossés / Ville de Montréal, service des travaux publics, division des eaux et de l'assainissement. - 1er octobre 1958

Carte topographique de l'île de Montréal de 1542 à 1642 d'Aristide Beaugrand-Champagne. Avec ajout typographique, le document original étant très difficile à lire.

Ce dernier document est très connu. Souvent les versions disponibles en ligne sont de mauvaise qualité. J'ai essayé ici de rehausser les contrastes pour être capable d’enfin lire les inscriptions sur la carte... Je cherche dans ce travail des sources au nom ruisseau Pont-à-L'Avoine (affluent du ruisseau Molson) qui est nommé sur cette carte ruisseau à L'Avoine. Le ruisseau Molson est ici nommé bizarrement ruisseau Migeon (par erreur ?). La fin du parcours du ruisseau Molson ou le ruisseau Migeon est nommé ruisseau des Soeurs (ruisseau des Soeurs est un ancien nom du ruisseau Molson). J’ai limité mon travail au bassin versant du ruisseau Molson. La typographie en vert est de mon cru. L’original est ici, pour comparaison.


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